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Adélaïde's accounts
3 juillet 2009

Cocker de mer , diable de mer

   Aujourd'hui , c'est mercredi et il fait beau , donc Pierre est très content , il ira avec son grand-père se promener au bord de l'Aber Ildut et ils emmèneront Fausto , un superbe cocker tricolore de deux ans . Ces trois-là forment un sacré trio , leur plaisir favori étant de parcourir les grèves en bordure de cet aber ! Un aber : c'est une sorte de ria bretonne (vallée fluviale ) dans laquelle la mer remonte le lit de la rivière presque jusqu'à sa source , très loin dans les terres , à marée haute . C'est splendide sous le soleil , les bateaux au mouillage tournent sur leur ancre pour faire face au flux montant ou descendant et , au fur et à mesure que l'on suit les méandres de la berge vers l'amont , le plan d'eau libéré de toute embarcation , devient alors le repaire d'une faune ailée , bruyante et variée . On repère vite les aigrettes blanches , les tadornes et les huîtriers pie parmi les goélands bavards et les mouettes criardes . Quelquefois , ailes déployées , face à l'embouchure, deux ou trois cormorans jouent les figures de proue au sommet de rochers battus par les flots .

Fausto , lui , adore poursuivre les goélands sur la plage , éternellement persuadé qu'il va un jour s'en emparer ! Toute la troupe s'envole , va se poser un peu plus loin et Fausto recommence sa course poursuite . Quand la mer est haute , il aime même nager vers les rochers où se serrent les huîtriers pie, mais dès que ceux-ci le repèrent , ils s'envolent en poussant leurs cris si particuliers zébrant le ras des flots de blanc et de noir  ,et Fausto repart sur le sable ou dans l'eau , traquant de nouveaux oiseaux marins .

     Pour Pierre , la plage est une boîte aux trésors , il va de découvertes en découvertes . Il peut s'agir d'un coquillage aux formes étranges ou de gros cristaux de feldspath qui scintillent au soleil ,d' un oursin mort dont la moitié des piquants est tombée et qui laisse apercevoir la jolie couleur rose de sa carapace ,de quelques fragments  de verre bien polis et bien lisses aux couleurs et aux formes étonnantes ,d' une vieille casquette délavée par l'eau de mer mais qui devait être d'un bleu éclatant à l'origine ! Toutes ces merveilles déposées par la mer , deux fois par jour et qui restent là sur le sable , attendant une marée plus forte ou simplement , comme offrandes à la curiosité du promeneur .
  Avec une carapace d'oursin , Papy lui a confectionné un adorable abat-jour pour sa lampe de chevet et celui-ci dévoile , lorsque la lampe est allumée , des petits orifices harmonieusement répartis qui font toute l'originalité ce cet abat-jour rose .

    Alors chacun d'entre eux , soit inspecte d'un oeil d'aigle les franges d'écume et de varech , à la recherche d'une merveille ou d'un bois d'épave de forme propre à l'inspiration , soit bat des records de vitesse , semblant littéralement voler en bordure de l'eau à la poursuite de l'oiseau blanc qui fend l'air devant la truffe noire émoustillée ! En fait , ils sont tous les trois ensemble sur cette grève , tout en vaquant individuellement à leur passe-temps favori .

       Chacun de nos trois compères y trouve son bonheur ! Papy recherche des morceaux de bois polis par les eaux dans lesquelles ils ont séjourné pendant de longs moments . Ils sont devenus lisses et ont pris des formes étranges à force d'être brassés et roulés sur les graviers ou sur le sable . Et puis , un jour , comme si la mer pensait avoir achevé une oeuvre d'art , elle dépose ces bois sculptés par ses soins sur le sable et c'est là que Papy les recueille , les examine , les admire , puis les range soigneusement dans son sac . Ils serviront sans doute  à fabriquer de drôles de créatures , sorties tout droit de son imagination et qui se cachent au détour d'une allée dans le jardin . Des créatures en bois d'épave , aussi étranges , aussi énigmatiques , comme venues de nulle part , un peu comme les bois polis qui ont servi à leur création !

       Papy inspecte deux longs bois d'épave qu'il manipule avec délicatesse , les sourcils froncés , il semble avoir déjà l'ébauche d'un projet dans son esprit inventif . Il lui restera encore à dénicher deux ou trois autres morceaux plus petits pour donner forme à sa future création .
  Pierre a déjà au fond de son sac plusieurs coquilles nacrées de troques ,  de différentes tailles , il va les enfermer dans une jolie bouteille de vinaigre qu'il remplira d'eau et ajoutera quelques gouttes d'eau de Javel pour clarifier le liquide , ainsi les coquilles nacrées brilleront avec plus d'intensité et finalement cette bouteille pourra tout simplement servir de pied à une lampe dont l'abat-jour n'a pas encore été imaginé . Pierre fait attention en manipulant les os de seiches qui ont été rejetés par la mer , de minuscules gouttelettes de goudron y sont fixées et lorsqu'on les touche , des traces noires se déposent sur les mains et ce n'est pas facile de s'en débarrasser . Un mouchoir de papier imbibé d'huile ou de beurre est nécessaire pour ôter ces tâches noirâtres et malodorantes . Encore un bateau qui a du effectuer un dégazage sauvage en pleine mer malgré les interdictions !

     Fausto a repéré un groupe de trois goélands posés sur un rocher à une vingtaine de mètres de la grève , non loin d'un bateau rouge et blanc . Calmement , il entre dans l'eau et très rapidement , il doit nager car il n'a plus pied , plus pattes comme dirait Pierre ! Quelques goémons marron flottent à la surface de l'eau et Fausto traverse ces masses compactes avec aisance . D'ailleurs , il n'a pas beaucoup d'efforts à faire , le courant descendant le porte vers son objectif très rapidement . La couleur de sa robe se confond un peu avec les algues qui semblent suivre la même direction que la sienne  .

Un premier rocher se présente devant lui et Fausto tente de l'atteindre pour y grimper et se rapprocher de ses trois proies impassibles . Mais la marée descendante et le courant qui a forci l'en éloignent rapidement . Le bateau rouge et blanc se rapproche à vive allure et Fausto ne gère plus du tout la situation .

- Le courant l'entraîne s'écrie Papy , vite allons au bout de l'ancienne jetée , on va sans doute pouvoir l'attraper !
Pierre bondit vers la vieille jetée aux pierres déchaussées recouvertes d'algues vertes très glissantes . Papy , tout en surveillant Fausto du coin de l'oeil , suit Pierre de très près . Fausto a compris qu'il allait devoir ruser pour ne pas être entraîné en mer . Il nage avec vigueur pour essayer de se rapprocher des rochers où tranquillement se reposent toujours les trois goélands , mais inéxorablement le courant l'entraîne et , fatigué , notre cocker offre beaucoup moins de résistance , surtout que des petites vaguelettes commencent à l'éclabousser et que l'eau se rafraîchit  . Il a le temps de voir Papy et Pierre qui courent vers la jetée et il commence à avoir très peur !
Pierre s'assoit à l'extrémité du môle , se demandant comment ils vont faire pour attraper Fausto quand il va passer , il y a beaucoup de fond et le courant est très fort . Papy s'accroupit à côté de lui et sort deux longs morceaux de bois de son sac, il en donne un à Pierre et garde le second .
Fausto se laisse porter par le flux descendant , maintenant  juste sa truffe hors de l'eau ! Le môle arrive à toute vitesse mais il ne peut pas s'en approcher  . Papy tend son bras armé du morceau de bois , Fausto comprend la manoeuvre , mais le seul ennui , c'est que le bâton est trop court et malgré ses efforts , il passe à toute allure devant Papy et Pierre atterrés !
- Tu crois qu'il va être entraîné jusqu'à Ouessant ? demande Pierre très inquiet .

- Non , j'espère pas !! dit Papy qui se demande que faire pour récupérer cet ahuri de Fausto qui essaye de se retourner pour les regarder .
Pierre et son grand-père refont rapidement le chemin en sens inverse en faisant attention à ne pas glisser sur les algues traîtresses et lorsqu'ils débouchent sur la grève , face à l'océan  , leurs yeux ont beau chercher Fausto , il reste introuvable : Fausto a bel et bien disparu ! Pierre éclate en sanglots et crie le nom de son chien , s'assoit sur un petit rocher et se remet à pleurer . Papy sent ses yeux qui picotent sérieusement , il a beau balayer et rebalayer la surface de l'eau : aucune trace de Fausto ! Il n'arrive pas à se faire à l'évidence : Fausto a coulé , il s'est noyé cet imprudent !
Désespéré , il s'approche de Pierre et le serre dans ses bras !

  Et puis soudain, un aboiement ! Ils se redressent tous les deux. Devant leurs yeux médusés, tel un diable sortant de l'onde, Fausto met pattes sur la grève !!!

a_fabio_diable


-  Fausto !!!!!
-  Tu nous as fait peur dit Pierre en reniflant un peu .
-  Espèce de cocker des mers, sacré diable s'écrie Papy d'une voix bourrue .

Il fanfaronne , le Fausto, mais il a eu très peur lui aussi . Comment expliquer à Papy et à Pierre que , très épuisé , il a à moitié bu la tasse à cause des vagues et que n'ayant plus de force pour lutter , il a coulé . Il n'aurait jamais pu rejoindre le rivage sans l'aide providentielle d'une bouée amarrée à un filin . Entourant la corde avec ses pattes avant , il avait ainsi pu se reposer un peu , puis toujours , s'appuyant sur ce cordage , il s'était éloigné du terrible courant descendant . La mer étant plus calme à cet endroit , il avait pu nager et avancer tranquillement dans la masse des goémons flottants jusqu'à la grève où il avait fait cette sortie théâtrale d'animal marin , échappant aux regards scrutateurs de Pierre et de Papy , perdu parmi les algues avec lesquelles il se fondait .

Embrassé , cajolé  , caressé , notre Fausto est allé s'allonger sur le sable sec , d'où tranquillement , il a observé Pierre et Papy ramasser , qui ses trésors , qui ses bois flottés , complètement sourd aux piaillements des goélands qui venaient le narguer presque sous sa truffe !
-   Quand même , dit papy , ce Fausto , il nous en fait voir de toutes les couleurs !
-    ça c'est vrai ! dit Pierre
-    Tu te souviens , lorsqu'il était tombé dans la rivière à six mois et qu'entraîné par le courant , il avait disparu sous le petit pont ?
-  Comme si c'était hier , dit Pierre , quelle frousse il m'avait encore fichue !
-   Hé bé , ça ne lui a pas servi de leçon s'exclame Papy , à croire qu'il est croisé poisson !!!!
Et ils rient tous les deux , ça leur fait du bien , tout en lorgnant le dit Fausto qui se sèche au soleil , arborant son air le plus angélique .
En fait , passé sous ce petit pont , ce fameux jour , Fausto , roulé dans le courant et l'écume de la rivière avait eu la chance d'émerger devant deux pêcheurs qui taquinaient le poisson . L'un d'entre eux, en entendant les cris et les appels de Pierre et de Papy , avait eu la présence d'esprit de se saisir de son épuisette et de cueillir le téméraire Fausto . Ce qui avait fait rire tout le monde , ce fut sa façon de s'ébrouer , tout en aboyant et en faisant la fête aux deux pêcheurs !
Quel diablotin , ce Fausto ! Papy en avait été quitte pour revenir avec une bonne bouteille pour fêter le sauvetage et remercier les deux pêcheurs , avec lesquels d'ailleurs , il est devenu ami . De temps en temps , il les accompagne au bord de la rivière , même si sa préférence reste fidèle aux poissons de mer .
-   Espèrons qu'avec l'âge Fausto deviendra plus raisonnable à l'avenir !Conclut Papy .
-   Tu crois ? dit Pierre , je n'imagine pas du tout Fausto raisonnable ............Il ne se ressemblerait plus du tout !!
-   C'est vrai , tu as raison ! Mais est-ce vraiment un cocker , ce Fausto ? Ajoute Papy en se frottant le menton d'un air dubitatif .
-   Pas du tout , Monsieur , je dirais plutôt , un diable de mer , une espèce très rare !!
Et Pierre et son grand-père repartent dans un énorme fou rire !

FIN

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Commentaires
T
Quelle histoire .......est-elle vraie ? Ton histoire me fait rappeller celle de mon chien Sam, serter anglais et de sa copine coker à la chasse. C'était dans les marais de la petite camargue, et Sam a suvé sa compagne de chasse qui s'enlisait, tout en conservant le canard qu'il avait dans la gueule ; En tout cas ce coker à eu bien de la chance lui !
Adélaïde's accounts
  • J'adore la Nature, j'aime m'y promener, la photographier, faire des rencontres florales et animales. Je vis en compagnie de cockers et de chevaux. Mes passions sont le jardinage et l'écriture.
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