Chapitre 3
CHAPITRE 3
Il fait noir , je ne distingue rien , je suis couchée . A mesure que mon cerveau se remet à fonctionner , je prends conscience que j'ai chaud et mal à la tête . Encore engourdie par mon réveil récent , j'essaie de me tâter le visage . Surprise ! Je ne peux pas bouger mon bras gauche . Petit passage à vide . Et soudain la mémoire me revient . Je me rappelle ma rencontre sur la route du petit bois avec les deux brutes . Les gifles que j'ai reçues et Puis ...rien d'autre , absolument rien !
J'ai le coeur qui se serre , une peur panique s'empare de mon esprit se communiquant rapidement à mon corps . Je tremble et claque des dents , de grosses larmes s'échappent de mes yeux et descendent sur mon visage . Je me pose la question : " où suis-je ? " Question bête mais qui s'impose ! Question que j'ai toujours qualifiée d'idiote lorsque je l'ai entendu , plus d'une fois , murmurée par des héroïnes dans des films !
Pourtant , je l'avoue , comme je viens de le dire , elle s'impose ! Hélas je ne peux pas y répondre . Dans mon désarroi , une foule de pensées me traverse l'esprit . Je pense d'abord à Mellie, à l'inquiètude qu'elle doit se faire , du coup mes larmes redoublent . Ma pauvre tête me fait horriblement mal ! Puis c'est vers Gilles que vont mes pensées , ensuite vers Thomas et Leslie , vers Paul , puis mon défunt mari . C'est bien simple toute la famille défile !
Heureusement , Gilles et son caractère fort me reviennent en pensée . Je me calme , je me force à raisonner . Mes maux de tête : les gifles en sont la cause , voilà au moins quelque chose que je comprends ! Avec Gilles , toujours en fond de décor , un souvenir de lycée me revient en mémoire , une citation plutôt : " Gémir , pleurer , prier sont également lâches ........ " C'est dans la Mort du Loup de Vigny ! Après tout , j'ai eu mon bac , donc je ne suis pas complètement idiote ni totalement incapable de raisonner convenablement !
Je reprends donc à zéro ! Premièrement j'ai mal à la tête , because les gifles . Deuxièmement ........quoi au fait ? Il y a tellement de questions qui se bousculent dans ma pauvre tête , qu'il faut agir par élimination . Donc deuxièmement , mes bras ? Pourquoi ne puis-je bouger ?
Je me tortille un peu : aucun doute possible , j'ai les poignets ligotés derrière mon dos et surcroît de bonheur , mes deux chevilles sont également immobilisées . Surtout .......surtout ne pas céder à la panique et ne pas hurler , je me parle intérieurement , exactement comme si je calmais un cheval bien énervé !
- Là , là ma fille , calme .....calme !!
C'est ma foi efficace , bien que mon imagination galopante m'envoie comme en clips des visions d'horreur !
D'abord : écouter ! Je me concentre et écoute .......: Rien ! Pas un bruit , je n'entends rien ! Au-moins , je suis seule ! C'est déjà réconfortant , si cela se peut !
Maintenant : regarder ! Il fait nuit noire , je distingue bien des choses plus ou moins sombres , mais il fait vraiment noir , aucun rai de lumière , même en dévissant mon cou de tous les côtés ! J'avais imaginé une salle de garde éclairée où mes geôliers tapaient les cartes en attendant que j'émerge . Rassurée un tout petit peu , je me recouche .
Et maintenant ? Comme j'aimerais voir une porte s'ouvrir et l'inspecteur Blin entrer , révolver au poing ! Hélas , ces sortes de choses n'arrivent que dans les films ou les romans policiers ! La réalité est toujours plus sombre et plus amère . Tout à l'heure une porte va s'ouvrir pour de vrai mais à la place de l'inspecteur Blin , vont surgir mes monstrueux geôliers !!
- Cool !!!! Baby , cool !!!!
En tout cas une chose est certaine , il faut que j'essaie de sortir d'ici !
OK ! Mais comment ? Si encore ces imbéciles ne m'avaient pas attachés les pieds , j'aurais au moins pu me lever et marcher ! Si .........si ........oui , mais comme ce n'est pas le cas , il faut agir avec ce qui est !
Je décide d'essayer de me délivrer des liens qui attachent mes chevilles . Pour accomplir cet exploit , il faut que je me mette sur le ventre et comme mes doigts sont libres, j'espère en remontant mes jambes , pouvoir dénouer mes liens !
Je me tortille une fois de plus et roule sur le côté droit .
Je me demande comment le hurlement qui est monté de ma gorge n'est pas sorti de ma bouche ! Mon visage surchauffé vient d'entrer en contact avec quelque chose de froid , d'humide, de visqueux ! Quant à l'odeur qui s'en dégage , c'est insupportable . Un seul mot me traverse l'esprit : un cadavre ! Un cadavre en décomposition !
J'essaie de me retourner pour reprendre ma position initiale , mais en vain , mon corps glisse sur l'amas visqueux ! C'est ignoble , mon corps entier frissonne de dégoût , je cambre les reins du mieux que je peux pour éviter que mon visage ne soit une fois de plus en contact avec le cadavre .
Mon imagination galope , je pense : " voilà le sort qui m'est réservé , je vais mourir ici , près de ce corps immonde, mon agonie commence ! "
Soudain en reniflant plus fort pour empêcher mes larmes de me tomber dans la bouche , j'ai une révélation ! Je viens d'aspirer une forte bouffée d'air , disons vicié , même fortement vicié et , j'ai compris que ça sentait le poisson .
- Le poisson ?? Je renifle à nouveau , c'est bien ça , c'est du poisson ! J'aime mieux ça ! Mais , bien sûr ! C'est du poisson , j'en ai la certitude maintenant ! Je respire , enfin façon de s'exprimer ! Cadavre pour cadavre , aucun doute , je préfère le poisson , même très avancé en matière de fraîcheur .
Mais alors ??? je suis dans une poissonnerie ? Non plutôt dans un entrepôt de marins pêcheurs et ce fameux poisson puant c'est ce qu'ils appellent ici de " la boîte à casiers " , c'est à dire l'appât qu'ils glissent au fond des casiers pour attirer les crabes , les homards et autres crustacés et les congres . ça va beaucoup mieux , je suis en terrain connu si je puis dire !
Peut-être , mais ce tas de morceaux de poissons n'arrange pas ma gymnastique au sol ! Pas du tout même ! Finalement je fais des reptations en marche arrière et m'arrête lorsque mes pieds rencontrent un obstacle . C'est quoi cette fois-ci ? Prenant mon courage à deux mains , c'est fou ce que les expressions françaises ne collent décidément pas dans ma situation ! Je quitte ma chaussure gauche en frottant mon pied contre l'autre et tâte prudemment des orteils . C'est frais , je sens comme des barreaux , qui ont l'air en métal , du grillage ....
- Un casier ! Je soupire ! Soulagement et réconfort , je suis bien dans un local de pêcheurs !
J'ai mal partout , je suis crevée et ......cette odeur !
Bon, au moins, je n'ai plus la tête sur les poissons !
Prenant courage , j'essaie de faire ce que j'ai entrepris , au bout de quelques instants , je m'aperçois que c'est impossible . De plus les muscles de mes jambes , des cuisses surtout , maltraités par cette gymnastique imprévue me font atrocement mal . Je me mets sur le côté , nouveaux essais : impossible également ;
- Ciel de lit ! Il faut pourtant que je trouve une solution !
- ça y est , je sais , il faut que je me mette à genoux . Après plusieurs essais infructueux , j'effectue un laborieux demi-tour (tête à queue ) , toujours sur le ventre , puis appuyant ma poitrine sur le casier , j'arrive enfin après un sérieux effort à me mettre à genoux ! J'ai les muscles des jambes qui tremblent , je souffle comme un boeuf , mais ce n'est pas le moment de craquer .
Je me penche légèrement en arrière et miracle , je sens du bout des doigts la cordelette qui enserre mes chevilles . Ma chaussure droite me fait horriblement souffrir , j'ai le cou-de-pied tordu et la boucle d'attache me rentre dans la chair . Pourvu que je trouve le noeud ! La position n'est vraiment pas idéale . Après quelques tâtonnements , je le trouve enfin , mes doigts s'agitent , trouvant les subtilités des noeuds et au bout d'un temps que je trouve relativement court , j'ai les chevilles libérées ! Avec prudence, après avoir remué mes pieds , sans gestes brusques , je me mets enfin debout ! Mon équilibre est précaire , toujours à cause de ma chaussure droite . Délicatement , j'arrive à faire glisser la bride et me voilà nu-pieds sur du sable !
Dommage que mes pieds ne puissent rendre le même serviceà mes mains !
Et maintenant ??
J'ai beau me tordre les mains dans tous les sens , c'est impossible , je ne pourrai jamais me délier les poignets ainsi !
La position debout , m'a quand même donné de l'assurance , puisque je ne peux pas me délivrer les mains , voyons un peu la topographie !
J'ai peur de rencontrer un filet tendu , ce serait le bouquet que je prenne la place d'un poisson dans les traîtres mailles ! Non , j'aurais plutôt l'air d'une pauvre mouche dans la toile d'une araignée .
Inutile également de trébucher bêtement et de se retrouver coincée sous une pile de casiers qui vous tombe en avalanche sur la tête . Donc prudence ! Prudence !
Tâtant le sol du pied gauche , j'avance à petits pas . Je ne connais pour l'instant que le tas de poissons , répérable à l'odeur , le casier qui m'a servi d'appui et ........... c'est tout !
Laissant le tas de poissons à ma droite , j'avance tout droit prudemment . Sur ma gauche , je sens du coude , des casiers empilés . Devant , toujours rien , mon front me sert de guide . Puis je touche quelque chose , je me retourne doucement , mes mains me renseignent : des morceaux de bois humides et minces . J'y suis : les hampes à drapeaux !!! Celles qui indiquent l'emplacement des casiers en mer ! Donc je suis arrivée à une extrémité du local , elles doivent être appuyées contre le mur . Je me dirige donc vers la gauche , toujours des hampes à droite , rien devant , j'avance . Soudain , mon coude droit m'apprend qu'il n'y a plus de hampes . Tâtons -voir ! D'abord je ne sens rien , puis reculant prudemment , très prudemment , j'envoie mon pied gauche en éclaireur : du bois ! Rugueux d'ailleurs . Je recule donc encore un peu et mes mains m'indiquent la même chose . Je m'y adosse presque et cette fois-ci , je fais des pas de côté . Soudain mes mains touchent quelque chose de métallique ............mais oui , c'est une poignée ! Je viens de trouver la porte , hélas mes essais pour l'ouvrir demeurent infructueux .J'arrête de secouer la poignée car les hampes commencent à s'entrechoquer dangereusement ! Je fais demi-tour et contemple sans la voir ce qui est une porte . J'en suis là dans ma contemplation quand je vois , oui je vois au-dessus de la porte un carreau ! J'ai vu , j'en suis sûre et pourtant je ne vois plus ! Ai-je des hallucinations ? Mais non , je le revois , oh faiblement , mais je revois mon carreau ! Puis plus rien encore , puis je vois mon carreau ! ça peut durer longtemps ce petit jeu ! Le phare !! Mais bien sûr le rayon du phare , il éclaire , s'éteint , éclaire , s'éteint ........Magnifique ! Pas si magnifique que ça finalement , que faire sans mes mains ? J'ai beau essayer de les écarter, je n'arrive qu'à me faire horriblement mal !
Soudain , animée d'une énergie dont je ne me serais jamais cru capable , je décide qu'il y a sûrement ici un couteau et que je dois le trouver !
D'après ma logique , il doit se trouver près du tas de poissons . Je refais donc en sens inverse le chemin parcouru, lorsque mon coude droit m'apprend qu'il n'y a plus de casiers et donc que c'est là que je dois tourner , je décide d'aller tout droit . Très prudemment j'avance , mais je m'arrête soudain , mon pied gauche , éclaireur d'élite vient de tâter les filets tant redoutés ! Je fais donc une courte marche arrière et reprends le chemin des poissons . Quelques incursions à gauche m'avertissent enfin que les filets ne jonchent plus le sol . Les poissons ne sont pas loin , je sens fort bien leur parfum . Mes orteils gauches entrent soudain en contact avec quelque chose de métallique . Je me retourne et sens un rebord , puis du bois humide et glissant : une table ? Un établi ? Au choix ! Mes mains agiles tâtent , je fais des pas de côté , retâte , encore des pas de côté , je tâte et mes doigts rencontrent quelque chose , délicatement je touche .............yes ! C'est un couteau ! A big one ! un grand ! Mon coeur bat à me faire mal dans ma poitrine . Je fais confiance à ma main droite pour la délicate opération . Avec délicatesse , elle se saisit du manche et le prend en main . Ayant trop peur de perdre l'objet sinon de mon salut , du moins de ma délivrance , je décide de le poser ou de le ficher quelque part afin d'user la cordelette contre la lame . Rejetant l'idée des casiers , je préfère le sable ou le bord du tas de poissons . Tout mon côté gauche est en éveil , je reviens le long de la table . Arrivée à son extrémité , la main droite crispée sur manche du couteau, je retrouve le sable puis tâtant toujours du pied , une de mes chaussures , et le casier ! J'imagine la localisation du tas de poissons ! Je me mets à genoux , puis assise . Je veux mettre le couteau par terre , manche calé par le casier et la pointe de la lame par mes fesses ! Après avoir réfléchi , je décide de mettre ma chaussure entre la pointe du couteau et mon auguste postérieur . Je pose donc mon couteau sur le sable et attrape ma chaussure . Je fais tant bien que mal ma petite installation et au moment où je dois accomplir mon dernier acte , j'ai un petit pincement au coeur , dégourdie comme je suis , je vais sûrement m'ouvrir les veines !
Comme il n'y a pas d'autre solution, j'y vais ! Je pousse du bas du dos afin de maintenir le couteau comme il faut et je frotte l'interstice laissé entre mes poignets . J'avais vraiment tort de m'en faire , la lame doit être bien rouillée ! Frottant , tirant , écartant , j'ai l'impression que ça dure des heures , enfin un craquement , merveilleux bruit , m'annonce que je suis au bout de mes peines et effectivement j'ai les mains libres !
- Hourrah !! C'est ce que je crie silencieusement !
J'ai mal au dos et surtout aux épaules . Chacune de mes mains aide sa voisine à se débarrasser des morceaux de cordelette restants .
- Pas une minute à perdre ! Me dis-je .
J'ai déjà mon plan . Je récupère mes chaussures , prends le couteau , on ne sait jamais ? Et je refais pour la troisième fois le trajet : les poissons-la porte ! Arrivée à pied d'oeuvre , je pose au ras des hampes dans " l'allée " , mes chaussures et le couteau , puis j'évalue la hauteur du carreau par rapport au sol : environ deux mètres cinquante ! Je me tourne vers les casiers , en prends un , c'est lourd ! Je le place contre la porte , je prends un second que je place sur le premier puis un troisième . ça devrait aller ! je récupère mon bien que je hisse au sommet en faisant bien attention qu'il ne tombe pas dans l'orifice du casier . Puis j'entreprends l'ascension . Mon échelle de fortune est plutôt branlante mais cependant , j'y arrive . J'ai la grâce d'un éléphant , aucune souplesse dans mes muscles ankylosés !
Je tape avec la lame du couteau sur le carreau , la vitre vole en éclats , je persévère jusqu'à ce que tout le verre soit tombé , puis toujours avec la lame du couteau , je racle le bord . Ensuite j'écoute , seul le bruit des vagues me parvient . Je jette le couteau à l'extérieur ainsi que mes chaussures puis passant une jambe et le haut du corps par l'ouverture , puis l'autre jambe , je me retrouve assise sur le haut de la porte . Ensuite je pivote , me retenant par les mains , mon corps se balance un peu contre la porte puis je saute . Le sable amortit ma chute et aucun éclat de verre ne me blesse !
Faisant très attention où je pose mes pieds , je récupère mes chaussures et les enfile . A la lumière très faible du rayon du phare , je repère le couteau et m'en saisis . L'air me fait du bien , de ma main gauche , je me tâte le visage , j'ai l'impression qu'il est enflé , et je colle , mon séjour sur le tas de poissons en est la cause !
De toute façon , ces considérations , je les garde pour plus tard , inutile de moisir plus longtemps ici . Je me tourne face à la mer que j'entends plus bas et décide de m'enfuir dans la direction opposée . Il fait vraiment noir , par intermittence le faible rayon du phare éclaircit un peu le décor mais si faiblement que je me dirige mal . De plus mes chaussures à talon ne sont pas spécialement indiquées pour le tout terrain !
Toujours d'après le rayon du phare , je sais que pour arriver chez moi , il faut que j'atteigne le plein centre du rayon et qu'ensuite je bifurque sur ma gauche , de toute façon , arrivée là , le paysage m'étant plus familier , je n'aurai plus aucun mal à me débrouiller .
Pour l'instant , je suis en terrain plat, un genre de sentier caillouteux sur lequel je n'arrête pas de me tordre les pieds , bordé par de l'ajonc très bas , je viens d'en tâter les épines acérées sur mon mollet droit ! Ma robe blanche légère se gonfle sous l'effet du petit vent . Comme tenue de camouflage c'est réussi !
Le sentier bifurque un peu à gauche et se met à grimper assez sèchement , je suis obligée d'enlever mes chaussures . Enfin exténuée , les pieds douloureux , j'atteins le sommet . Le sentier semble s'élargir , mais hélas , toujours le même revêtement . Je remets donc mes chaussures , c'est à peu près plat . Je n'ai pas très chaud , le vent que je trouvais frais , tout à l'heure , me semble beaucoup plus froid . Seul point chaud : mon visage ! Ma marche hésitante continue , hélas je suis loin d'atteindre encore le coeur du rayon du phare . mes cheveux poissés reviennent sur mon visage à gauche , c'est absolument désagréable , étant donné l'odeur qu'ils dégagent . J'ai beau les remettre derrière mon oreille , le vent s'acharne à les rabattre . J'ai envie de m'asseoir , je n'en peux plus !
Je finis par ôter à nouveau mes chaussures , ça fait au moins presque une heure que je marche et je n'arrive toujours pas à me repérer . Soudain j'aperçois une forme , ou plutôt deux formes sombres à quelques mètres devant moi . Mon coeur se met à tambouriner follement , je m'arrête , écoute , n'entends rien , les formes n'ont pas bougé ! Serrant mon couteau dans ma main droite , j'avance sur le qui-vive , les formes ne bougent toujours pas . Je m'aperçois en arrivant tout à côté que ce sont deux énormes rochers dressés , comme des petits menhirs ! Je commence à me poser des questions ? Je n'ai jamais vu ce genre de roches dressées près de chez moi ! Mais pourtant le phare , il est bien sur la terre , donc ce devrait être bon , j'ai laissé la mer derrière moi ......oui mais ces rochers ????? J'en ai marre , j'ai mal aux pieds , une bonne cigarette serait la bienvenue !
Mais j'y pense , je dois avoir un paquet dans la poche de ma robe , fébrilement , je tâte ma poche : ni cigarettes , ni briquet , ni rien du tout ! Ces salauds m'ont fait les poches ! Soudain je suis terrorrisée , ils m'ont peut-être violée également ? Je ne ressens aucune douleur ce qui me rassure un peu . Comme j'ai une envie naturelle , je remets mes satanées chaussures et me cache derrière les roches . L'herbe rase de dune a remplacé l'ajonc .
- De toute façon , où que tu sois il faut continuer à marcher ! Me dis-je en prenant ma pauvre tête entre mes mains douteuses et je pousse un cri , un cri d'horreur . Mais ce n'est pas vrai ? Dîtes-moi que ce n'est pas vrai ? Ils m'ont coupé les cheveux ! Le côté droit de ma tête n'a plus de cheveux , ou si peu , ils sont coupés au ras de l'oreille ! Par contre à gauche ils n'y ont pas touché . Je suis effondrée ! Seigneur , moi qui ai horreur des cheveux courts , il faudra au moins deux ans avant qu'ils ne repoussent ! Les larmes me montent aux yeux . Mais bon dieu , qu'est-ce que j'ai bien pu leur faire à ces dégénérés pour qu'ils me martyrisent ainsi ? Je n'espère qu'une seule chose c'est qu'ils ne m'aient pas touchée , ils sont bien capables de m'avoir refilé le sida ou une autre saloperie du genre .
Le mot " salauds " revient sourdement à mes lèvres ! Serrant mon couteau, ça me donne de l'énergie pour repartir .
Je marche , je marche , ça dure des éternités , une colère sourde m'anime . Soudain après un passage bourbeux , très bourbeux même , l'asphalte fait place à la pierraille , il est très bienvenu !
Je me déchausse une nouvelle fois et je repars , des tiraillements au niveau de mon estomac m'apprennent que j'ai très faim et surtout très soif , j'ai la gorge sèche . Une cloche soudain égrène trois coups , ça me galvanise , qui dit cloche dit église , qui dit église dit village ! Allez encore un peu de courage , on y est presque . J'essaie même de presser le pas mais en vain .
Après une demi heure de marche , c'est la cloche qui me renseigne , et , je ne sais combien de kilomètres dans les jambes , j'arrive enfin aux premières maisons . J'ai beau regarder de tous mes yeux , ça ne me rappelle rien ! J'avance encore , ma première impulsion est de frapper à une porte et de demander de l'aide mais bien vite je me refuse à accomplir ce geste . D'abord il est trois heures et demie du matin de quel jour ? ça mystère ! Mais surtout , surtout , je ne suis pas très présentable ! J'ai un demi scalp , une robe , de bonne marque certes , mais qui doit être ignoblement maculée , des pieds en sang , un visage tuméfié et pour achever le tout , un grand couteau à la main !Quel look ! Les échappés des asiles d'aliénès doivent paraître soignés , en comparaison de ma très gracieuse personne !
Je continue donc ma route . Un peu plus loin , il y a un bar , c'est allumé , des rires et des chansons proférés par des voix d'hommes ivres me parviennent aux oreilles . Je n'ose pas y aller, même en jetant mon couteau, et si c'était mes ravisseurs ?
Je passe silencieusement devant la porte, la rue descend , longeant l'église, je suis , ça serpente encore en descendant et soudain l'odeur de la mer me chatouille les narines . ça sent les algues , le goémon , comme on dit ici . Deux lampadaires éclairent un quai, c'est un port ! , Je ne l'ai jamais vu auparavant , je m'avance timidement , cachant mon couteau derrière mon dos . Il y a de la lumière sur un voilier, je m'approche un peu , d'après leur pavillon , ce sont des Anglais . Un homme et une femme se tiennent enlacés sur le pont .
J'engage la conversation, ma voix rauque m'étonne moi-même, je leur demande si le temps leur convient .
- ça va mieux répondent-ils ensemble , après l'orage on respire enfin !
Je m'informe du nom de l'endroit , faisant comme si je l'avais oublié . Quand ils me répondent : Ouessant , avant de retourner dans leur cabine , je n'en crois pas mes oreilles !
Ouessant ! L'île d'Ouessant ! Et moi qui reconnaissais le phare !!
J'espère qu'il y a au moins une gendarmerie ici ?
Découragée , anéantie par la nouvelle et ma marche à pied , je m'asseois sur un muret dans l'ombre du second réverbère .Encore au moins deux heures à attendre avant qu'il ne fasse jour .J'en suis là dans mes réflexions lorsque j'entends ou plutôt je vois une silhouette qui s'avance sur le quai . Je me fige , espèrant qu'elle ne regardera pas de mon côté . Comme l'homme, je vois maintenant que c'est un homme , assez jeune je crois , passe sous mon réverbère, je pense voir Didier ! Mais oui , aucun doute !
- Didier ? Je l'appelle . Pourvu que ce soit lui !
Le jeune homme s'est arrêté , il regarde sans me voir dans ma direction .
- Tu es bien Didier Férec ? Dis-je .
- Oui! Répond-il .
- Oh Didier , je pleure de joie , c'est moi , madame Vaughan !
Il a l'air sceptique ou incrédule , il avance enfin , je me lève . Lorsque j'apparais sous la lumière du réverbère , il me regarde avec effarement ! Angoissée , je lui demande :
- Tu ne me reconnais pas ?
Silence de sa part .
- Ecoute , je te jure que je suis bien madame Vaughan, qu'est-ce que je pourrais bien te dire pour que tu me crois ?
Je pleure et éclate en sanglots, je dois vraiment être enlaidie ! Je réagis cependant .
- Mellie , c'est ma cuisinière, .....mon frère s'appelle Gilles ...J'ai deux enfants: Leslie et Thomas ..........
Je ne sais pas , je cherche d'autres preuves ....
- Tiens ! Il y a eu deux cadavres dans mon allée ......;L'inspecteur Blin t'a montré des photos mercredi à toi et à .....
- Je vous reconnais ! Dit enfin Didier . Mais qu'est-ce que vous faites là et dans cet état ?
En trois phrases , je lui résume la situation et ajoute que surtout j'ai soif et faim !
- Venez ! Me dit-il me prenant par le bras .
Après quelques mètres , il me hisse sur une passerelle et m'entraîne sur un bateau de pêche , me fait asseoir sur une banquette , allume et finit par s'écrier :
- Bon dieu , vous êtes méconnaissable !
- Tu me crois quand même ?
- Oui, votre voix et puis tous ces détails que vous m'avez donnés !
En même temps , il ouvre une grosse boîte de pâté , me coupe une belle tranche de pain de campagne et me tend un couteau . Avec des gestes fébriles je me sers , il ajoute :
- Il y a du vin ?
- Très bien ! ça ira !
C'est faux , mais je ne vais pas faire la difficile ! Comme c'est bon , ce pain-pâté ! Même le vin me semble divin !
- Je vous chauffe de l'eau pour un p'tit café ? S'inquiète Didier .
- S'il te plaît , si tu savais comme je suis contente de t'avoir trouvé ?
- C'est bien normal que je vous rende service . Me répond-il puis il ajoute :
- Je vais allé chercher le patron !
Je m'inquiète :
- C'est qui ?
- Ben , le patron de la Joconde !
- Oui , mais quel est son nom ?
- Kerros , Fench Kerros !
- Celui avec qui j'achète des crabes ?
- Oui ! Répond Didier .
- Il me connaît alors ?
- Bien sûr ! Me rassure Didier avant d'ajouter :
- Vous voulez autre chose ?
- Non , non , c'est très bien ! Ah tiens si , une cigarette s'il te plaît .
- Ben je n'ai que des brunes , mais s'ils ont des blondes au café , je vais vous prendre un paquet ! Tenez ! Me dit-il .
Je prends une gauloise , il me l'allume et me dit de ne pas bouger qu'il revient tout de suite avec le patron .
Après son départ , , je sirote doucement mon café brûlant , la gauloise irrite beaucoup ma gorge mais je me sens bien ! Mes nerfs sont en train de tomber lentement . ça fait à peu près cinq minutes que j'ai terminé mon café que des bruits de voix sur le quai m'annoncent l'arrivée de l'équipage .
Je suis contente mais angoissée à la fois qu'ils me voient dans l'état où je suis . Ma robe est immonde , je pue , le mot n'est pas trop fort . Les vaches , ils m'ont même piqué mes bagues , je n'ai plus que mon alliance . Envolés ma marguerite en diamants et mon saphir !!
Le saphir encore à la rigueur , mais je suis contrariée pour ma marguerite , non seulement c'était ma bague de fiançailles , un souvenir précieux d'Alexander, mais en plus c'était une bague très ancienne datant du XVIIIème
- Seigneur dieu ! Voilà ce que dit Fench Kerros en m'apercevant .
Les deux autres embarqués , derrière son dos , me contemplent également médusés !
- Ma pauvre dame ! Continue Fench Kerros .
Je dois vraiment être horrible !
- Ils m'ont giflée ! Dis-je en guise d'excuse .
- On va passer un appel à Radio-Conquet, allez Jo , aide-moi .
Le dénommé Jo suit son Boss .
Didier en profite pour venir s'asseoir près de moi en me tendant un paquet de Peter et un briquet vert .
- Merci ! Tu es très gentil ! Puis j'ajoute à voix basse:
- Est-ce qu'il y a une glace à bord ?
- Vous voulez vraiment ? me demande-t-il ?
- Mais oui ! Je sais déjà qu'ils m'ont coupé les cheveux d'un côté . Mais j'ai mal aux joues et puis j'ai envie de me voir , dis-je en guise de conclusion !
Didier à contre coeur se lève et part à la recherche de mon désir . Le quatrième homme a mis de l'eau à chauffer.
- Vous voulez du café ? Me demande -t-il gentiment .
- Non merci , dis-je je viens d'en prendre un bol et je n'ai pas l'habitude d'en boire . Mais je veux bien un verre d'eau .
Aussitôt , il me remplit mon bol .
- Vous avez pas de chance ces jours-ci ! Me glisse-t-il .
ça c'est le moins qu'on puisse dire , alors je réponds :
- Ah ça non !
Le patron fait son entrée , suivi de Didier portant une glace à entourage bleu , fendue dans un coin !
- J'pense que c'est du crayon feutre ! Dit Kerros .
Du crayon feutre ? Quel crayon feutre ? Je prends la glace , ferme les yeux , puis les ouvre . Je pousse un cri , encore un cri d'horreur .
Pour être méconnaissable , ah ça , je suis méconnaissable !
Mes cheveux , sur la tête sont peints à raies rouges et bleues . Mais ce n'est pas tout , sur la partie située entre ma bouche et mes yeux , est peinte une horrible chauve-souris noire . Mes deux yeux sont entourés de points multicolores et mon front porte une inscription en rouge que je n'arrive pas à déchiffrer , la glace inversant les lettres .
Le mot central " à " est distinct ..........mais le reste ???
- Qu'est-ce que c'est écrit ? Dis-je , sans quitter la glace des yeux .
- " Putain à flics " jette froidement celui qui m'a donné de l'eau .
A ce moment -là , je me sens immonde , tout mon corps me dégoûte , je me vomis littéralement !
Didier et le patron me regardent sans rien dire . Rendant enfin la glace à Didier , je murmure :
- C'est ignoble ! Et j'éclate en sanglots .
- Allons , allons !! Me dit Kerros , vous êtes saine et sauve , c'est le principal ! Un peu de savon et ça va partir !!
- Vous êtes sûr ? Dis-je entre deux sanglots .
- Mais oui !! Faut pas vous affoler ma p'tite dame , j'vous'l jure qu'c'est pas tatoué ! Quant à vos cheveux , ça va repousser ! Donne-nous donc un verre de cognac . Dit-il à l'adresse de son "embarqué " , tu vois bien que la p'tite dame en a besoin ! Radio- Conquet se met en rapport avec la gendarmerie de Saint-Renan , continue-t-il . On va les rappeler tout à l'heure .
Je pense soudainement aux Anglais du Yacht ! Ils ont du me prendre pour une toquée ! J'espère follement qu'ils ne comprennent pas le français ou plutôt l'argot français .
Je trempe mes lèvres dans le verre de cognac que m'a donné le patron , comme c'est fort ! ça me fait tousser ! Je le pose sur une tablette à côté de moi . Non décidément , l'alcool n'est pas fait pour moi . J'ouvre le paquet de Peter et préfère prendre une cigarette . J'essaie de sourire , un pauvre petit sourire pitoyable , sur ma face défigurée , je ne sais même pas si on le voit !
On dirait la fin d'un mauvais spectacle , avec comme piètre actrice , complètement au bout de son rouleau , ma pauvre personne !
- ça va mieux ! Hein ? S'assure le patron .
- Je suis désolée de vous donner tout ce dérangement !
- Mais non , quelle idée ! Si on ne peut plus rendre service , me dit-il . alors où va notre pauvre monde ?
C'est bien vrai ça !! Où allons-nous ? Vers quelles autres violences avançons-nous ?
- Je vais rappeler Radio-Conquet , dit le patron en sortant .
Didier a l'air complètement ahuri , il me regarde à la dérobée sans rien dire .
Je reprends une cigarette pour faire quelque chose , je n'ai pas envie de parler , pour dire quoi ? M'apitoyer sur mon sort ? A quoi ça servirait , ne suis-je pas descendue au plus profond de l'horreur ? Alors ? Alors j'attends , je fais comme eux . Ce que j'attends d'ailleurs , je n'en sais rien , qu'on prenne la mer sans doute .
- Bon ...... dit le patron en revenant .
Je sursaute , il m'a fait peur .
- ....Je viens d'avoir les instructions par Radio-Conquet , on va vous conduire à l'hôtel du Sillon , ils sont prévenus et vous attendent . Le médecin a été réveillé également et vous attend là-bas . Allez , venez !
Il a l'air soulagé , pour lequel de nous deux ? Mystère !
Je me mets debout , ciel de lit , mes jambes ! Mes muscles durs et ankylosés refusent d'avancer .
- On va vous porter dit Kerros .
Et il m'enlève comme un fétu de paille .
- Prends ses chaussures , dit-il à l'adresse de Didier .
Je serre mon paquet de cigarettes dans ma main . J'ai le sentiment qu'il me manque quelque chose .......oui , mais quoi ?
- Mon couteau ? Dis-je enfin .
- Quel couteau ? Demande Kerros que mon odeur putride n'a pas l'air de gêner outre mesure .
- Vous n'aviez pas de couteau , assure Didier , seulement vos talons à la main .
- Oui , je me rappelle maintenant , je l'ai laissé sur le petit mur sous le réverbère d'où je t'ai appelé tout à l'heure . Il vaut mieux aller le chercher, c'est une pièce à conviction ! Je balaie en même temps des souvenirs pesants à mon esprit .
Docile Didier , m'obéit et revient rapidement avec mon couteau .
- il m'a aidé à couper mes liens , dis-je en guise d'explication .
Notre petite troupe s'engage sur le quai . A mi-côte , essoufflé ,Fench Kerros s'arrête et je me retrouve dans les bras de Jo ! ça grimpe sec , mes cinquante deux kilos sur les bras , Jo peine . Près de l'église , changement de porteur , le troisième marin dont je ne sais pas le nom me transporte à son tour . Puis dans un virage , je me retrouve à nouveau dans les bras de Fench Kerros .
- On y est , me dit-il .
En effet à quelques mètres devant nous , j'aperçois une porte éclairée . Trois personnes debout devant la porte nous attendent .
- Les voilà ! Dit une voix de femme . Et c'est ainsi que je fais mon entrée à l'hôtel du Sillon , portée dans les bras vigoureux de Fench Kerros patron pêcheur de la Joconde !
La lumière électrique me fait plisser les yeux .
- Mon dieu ! s'écrie la brave femme en peignoir bleu , portant une main à sa bouche , comme pour s'empêcher de pousser un hurlement d'effroi .
J'imagine que sous la lumière crue des ampoules , l'effet doit être saisissant .
- Bon ! Dit un homme brun très jeune portant une serviette noire à la main .
La troisième personne , un homme également , le patron de l'hôtel sans doute , se frotte la tête sans rien dire .
Fench Kerros , un grand sourire sur son visage tanné me dit :
- ça va aller , maintenant madame Vaughan, vous êtes entre de bonnes mains ! Puis il ajoute :
- C'est pas tout ça les gars , allons-y , on appareille dans peu de temps !
Je dis d'une toute petite voix :
- Encore merci monsieur Kerros , à vous et à vos hommes , lorsque je reviendrai à la maison , j'irai vous voir !
Comme j'ai hâte !
Un dernier salut et ils tournent les talons . Didier me donne mes chaussures , pose mon couteau sur la table près de laquelle je suis assise et dit au-revoir avant de sortir également .
- Bon ! Refait l'homme qui doit être le médecin . Il ouvre sa serviette et ahurie , je le vois sortir un appareil photo !
- Je suis désolé , s'excuse-t-il , mais j'ai ordre de vous photographier!
Je ne trouve rien à dire! Le monde me semble marcher à l'envers , c'est sans doute moi qui déraille !
Le médecin transformé en reporter, me mitraille au flash à trois ou quatre reprises , puis rangeant son attirail , toujours dans sa serviette , il en sort cette fois-ci un stétoscope , et il m'ausculte ;
- Vous en avez bien du courage , lui dis-je , son travail terminé !
- Mais non! quelle idée ! Bon ça va ! Je suis sûr que vous avez envie d'un bon bain ? Dit-il en riant . Vous voulez bien m'aider? Demande-t-il à l'adresse des deux autres .
La femme s'avance . Me soutenant chacun par le bras , j'avance mécaniquement . La montée de l'escalier m'est très pénible, mais l'idée d'un bain chaud purificateur , me donne courage ! Voilà on y est .
- Je vais vous aider , si vous voulez ? Me dit la patronne .
- Je veux bien , merci !
Le médecin est redescendu .
- D'abord , dit la femme , vous enlevez votre robe .
Je l'aide à me dégrapher .
Mise à nue , je ne constate aucune surprise désagréable sur mon corps . Elle m'aide à entrer dans la baignoire .
Quelle joie cette eau chaude , quel bien être ! Je me détends jusqu'au bout de mes infimes terminaisons nerveuses !
- ça fait du bien ? hein ?
Je soupire : " oh oui ! "
Elle me tend un gant de toilette et un savon , s'armant elle aussi des mêmes instruments . Je me savonne par devant , elle me savonne et m'étrille le dos ; Ces massages énergiques terminés , empoignant la poire à douche , elle fait couler l'eau bienfaisante sur mon crane endolori, c'est une sensation merveilleuse . Puis toujours au savon , elle me frotte la tête .
- ça part !! Annonce-t-elle soulagée .
Je pense : heureusement !
J'entreprends aussitot mon ravalement de façade, je frotte à l'arracher , la peau de mon visage . Sur le gant de toilette , je vois des traces de crayons feutres : ouf !!! ça part aussi !
- Penchez la tête en arrière , me dit la patronne de l'hôtel , transformée en camériste .
L'eau chaude m'inonde le visage !
- Sur les cheveux , c'est parti, me dit-elle mais sur votre figure .....
Je m'inquiète :
- c'est pas parti ?
La voix du médecin , venu constater ma métamorphose dit :
- ça doit être de l'encre de chine , on va essayer avec de l'alcool , tout à l'heure !
Je pense : mon dieu , pourvu que ça s'en aille !
- je reviens , dit mon aide .
Discret le médecin s'est également éclipsé .
La patronne de l'hôtel revient avec un jogging blanc et une petite culotte .
- Je m'appelle madame Vaughan , lui dis-je et vous ?
- Le Gall , répond-elle , puis elle ajoute : c'est à ma fille , je pense que ça vous ira ?
- Comment vous remercier ? Toute cette gentillesse dont vous m'entourez .....
- Ma pauvre , coupe-t-elle , on ne pouvait quand même pas vous laissez dans cette puanteur !
- Merci , dis-je encore , m'enveloppant dans une serviette . Elle me frotte le dos , j'enfile le jogging , c'est parfait !
Elle me sourit , m'avance des chaussons. J'emballe ce qui me reste de cheveux dans une serviette sèche et nous partons vers une chambre .
Le mèdecin , tout souriant m'y attend .
- Alors? Me demande-t-il .
- Un vrai bain de jouvence !
- Bon , voyons ce que l'alcool peut faire ? Dit-il armé d-un coton . Allongez-vous , conseille-t-il .
Je ne me fais pas prier , je m'étends avec plaisir .
- Sous les draps ! Ordonne-t-il . Je n'ai besoin que de votre visage . Je m'exécute , trouvant que le mot visage , ne correspond pas beaucoup au souvenir que j'en garde !
- ça part annonce-t-il triomphalement !
Il me frotte avec tant de vigueur que j'ai l'impression de ne plus avoir de peau , mais les chairs à vif !
- Bon , ajoute-t-il au bout d'un moment , il y a encore quelques traces , mais j'arrête , on recommencera tout à l'heure !
- Au fait , quel jour sommes-nous ?
- Dimanche ! Exactement quatre heures cinquante-trois du matin, dit-il en regardant sa montre .
- Dimanche !
J'ai l'impression qu'il s'est écoulé un siècle entre hier , samedi après-midi , le marché et la suite et cet instant présent !
Il m'enduit la figure de crème .
- Vous allez dormir un peu maintenant , je repasserai dans la matinée dit-il .
Madame Le Gall me sourit près de lui, je sens que je sombre déjà dans le sommeil . A part mon visage en feu , je me sens à la fois lourde et bien . Les émotions , la fatigue , je m'endors brutalement sans remuer ne serait-ce qu'un orteil !
Fin du Chapitre Trois