COMPLICITE
Il fait noir . Noir nuit . En arrière plan de ma chandelle , je vois l'obscurité du jour à travers le tulle de mes rideaux .
J'écoute et j'entends les bruits de la nuit .
Mon chat , immobile , suit également ces rumeurs nocturnes .
Nous savons qu'il bruine , les véhicules émettent un son particulier , bien particulier aux chaussées humides .
Nous savons que doucement le vent s'amuse . En ombre chinoise , le mimosa du jardin s'étire harmonieusement .
Je le sais mon chat , tu me l'as confié .
Ton ombre grandiose épouse ta sagesse sur mon pan de mur tapissé de fleurs .
Tu es sombre mon chat dans cette demi pénombre qui te met en beauté . Seul , l'intérieur nacré de tes douces oreilles me permet de penser que tu es , plus qu'une ombre .
Quant à tes yeux lumineux qui percent la noirceur et se posent en mes yeux , en deux disques d'or pâle , tout en me fascinant , ils me guident pas à pas , en chemin de sagesse , sur les siècles passés et m'attirent et m'apprennent à écouter la nuit , comme un bateau errant s'accrochant au fanal et , comme une phalène, je sombre à ta merci , dans ton passé , au puits des souvenirs de la félinité et , j'essaie de penser ! Mais comme un esquif ivre , je te quitte et te cherche , te retrouve et me perds sans que confusément , mon esprit subjugué puisse enfin s'amarrer au quai des certitudes .
Qui es tu , toi , mon chat , qui daignes à mes côtés , partager l'inéxorable platitude de l'existence quotidienne ? J'envie la force et le pouvoir de tes nuits palpitantes , bruissantes de richesses , de saveurs et senteurs .
Je t'aime ! Mais mon faible pouvoir d'humain de ce siècle décoloré ne pourra jamais te rendre la splendeur de ton lointain passé , ni t'honorer à ta juste et royale valeur !
Dis-moi , chat , à quoi penses-tu , quand le silence vespéral s'abat sur nos pensées et que l'odeur du soir , mystérieuse et magique trouble mon esprit simple ? Philosopherais-tu ? Ou lis-tu l'avenir sur l'effluve subtil que t'apporte le vent ? Attends-tu l'heure , mon chat , de ton règne triomphal ? Ou me plains-tu , en combattant le sort qui s'acharne sur moi et que nous , mortels , nous appelons : Destin ?
Dis-le moi ! Parle-moi ! Fais-moi des confidences !
Je serai attentive , comblée de ta mansuétude , humble de tes lourds secrets , mais je t'aimerai toujours ô mon chat !
...Fin